Syrie: retours d’otages et rituels immuables…. Philippe Rochot.

Retrouvailles entre les otages Hervé Ghesquière otage en Afghanistan et Didier François, otage de Daech en Syrie: Paris avril 2014.

Le scénario des affaires d’otages à quelque chose d’immuable. Dans un premier temps, des hommes sont capturés dans quelque région du monde où sévissent des groupes rebelles en conflit avec la France et l’opinion s’étonne : « qu’allaient ils faire dans cette galère »?

imageLa « Une » du Monde, une photo de Jean-Claude Coutausse qui s’est pleinement investi sur le conflit syrien..

Puis avec les mois qui passent, la compassion et la solidarité prennent le dessus. Un comité de soutien plus ou moins influent se met en place, des banderoles s’étalent sur les façades de quelques mairies. Les otages sont cités dans la presse, leurs cas évoqués lors d’un anniversaire ou quand les ravisseurs se manifestent…
Au bout de quelques mois, les médias dénoncent la durée insupportable de la captivité, s’étonnant de l’inaction du pouvoir en place mais le gouvernement s’abrite derrière la discrétion indispensable pour mener à bien toute négociation.. Quand les otages sont enfin libérés, le doute s’installe : » une rançon a t-elle été versée ? Combien de terroristes ont ils été libérés en échange ? Avons nous fourni des armes aux preneurs d’otages ou des sauf conduits pour échapper à la justice ? » La libération devient alors suspecte et l’otage se sent au cœur de la polémique. Turquie 20 avril 2014 libération Didier François, Pierre Torrès, Edouard Elias, Nicolas Hénin

Turquie: samedi 19 avril, quelques heures après la libération des 4 journalistes français….

A son retour en France, le « doyen » des otages français de Syrie, Didier Francois, a jugé utile de dire qu’il était parti à un moment essentiel, où l’on soupçonnait le régime de Damas d’utiliser l’arme chimique, coupant court à toute polémique qui ne manquera pas de s’installer sur l’utilité de la présence de journalistes dans les zones rebelles. Le problème de la rançon versée pour la libération des otages de Syrie a été évoqué avant même que les quatre journalistes posent le pied sur le sol français. L’opinion imagine ainsi un obscur versement d’argent à un groupe terroriste. En réalité, les paiements de rançon existent toujours mais ils prennent d’autres formes et surtout le gouvernement refuse d’utiliser ce mot qui signifierait que la France a cédé aux preneurs d’otages. Car au bout du compte il faut toujours « donner quelque chose » en échange d’une libération: favoriser un échange de prisonniers, accepter un rapprochement avec un pays qui peut intervenir auprès des ravisseurs, comme le Qatar ou les Emirats, signer un contrat d’aide au développement pour des régions déshéritées comme ce fut sans doute le cas au Mali ou au Cameroun pour la libération de la famille Moulin-Fournier détenue au Nigeria.

Ce genre de tractation fera monter la polémique, notamment sur les réseaux sociaux ou certains esprits forts vont s’indigner de voir la France brader sa souveraineté pour une poignée d’otages. Malgré cela, négociations et tractations continueront pour en libérer d’autres. Il faut donc saluer le courage et la volonté de « ceux qui s’y collent » et qui pour des raisons de discrétion ne s’afficheront jamais sur les écrans des télévisions ou sur les sites internet. Puis avec le temps viendront les questions des médias aux anciens otages, souvent les mêmes, indiscrètes et naïves, du genre: « comment se reconstruit-on ? ». Les réponses serviront à meubler le temps entre la libération et le retour en France. Les aventures d’otages sont des histoires toujours recommencées…

Philippe Rochot

4 réflexions sur “Syrie: retours d’otages et rituels immuables…. Philippe Rochot.

  1. Tu sonnes tellement juste que ça en est douloureux. D’autant plus douloureux que l’on pense aussi à cette terrible « manipulation médiatique » que représente la prise d’otages. En effet, quoi de plus normal que de soudain se focaliser sur les otages de notre pays en en oubliant presque l’actualité qu’ils ont voulus couvrir et qui elle, par le fait même, passe au second plan. Tellement pratiques pour les décideurs de tous poils ces diversions au moments stratégiques, en jouant sur les vies humaines, les « photos sur le tarmac », les infos distillées avec un timing orchestré. « Ceux qui s’y collent » ont en effet bien du mérite, d’autant qu’ils sont, comme ceux qui attendent dans le fond du trou, les marionnettes de logiques bien douloureuses et surement moins glorieuses que les si belles idées de « liberté de la presse » et de « démocratie ».

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  2. Très bel article qui soulève la délicate question des otages et du traitement de leur dossier. Alors que le retour de nos compatriotes devrait être célébré comme une fête, les mêmes polémiques reviennent toujours sur le devant de la scène. Ils sont de retour et c’est une grande joie. Que les personnes « qui s’y collent » soient grandement remerciées.

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  3. A tous ceux qui reprochent aux médias de trop en faire lors de la libération d’otages, je dédie un petit billet d’humeur à retrouver sur mon linkedin…
    Merci Monsieur Rochot, de remettre, avec ce papier, les choses à leur place

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